« Avec ce projet, nous voulions essayer de créer un lieu de mémoires de la population immigrante francophone qui est venue enrichir notre communauté. L'objectif était de rassembler des objets que ces gens avaient conservés depuis leur départ de leur pays d'origine et d'en connaître leur signification. De plus, nous voulions filmer ces personnes afin qu'elles nous racontent leurs histoires », avance Paulin Mulatris, qui était disponible pour une entrevue.
Si l'objectif initial était de rassembler des archives de plusieurs communautés, les chercheurs ont vite été appelés à faire un choix. « Compte tenu des moyens limités, nous avons dû cibler une seule communauté et notre choix s'est arrêté à la communauté congolaise. Et, même à l'intérieur de cette communauté, nous avons dû limiter le nombre d'intervenants rencontrés à une vingtaine », indique M. Mulatris. « Cela peut paraître un peu décevant, mais c'est tout le contraire. Ce projet-pilote nous permet maintenant d'avoir quelque chose de concret et tangible à montrer dans le cadre de nouvelles demandes de subvention », enchaîne-t-il.
« Présentement, nous n'avons qu'un petit échantillon et il sera essentiel de cibler les autres communautés. Certaines m'ont approché pour participer au projet et il nous faut maintenant trouver le financement », estime Paulin Mulatris.
Les entrevues ayant été numérisées, les objets et l'explication de leur signification également, le chercheur Paulin Mulatris a remis le fruit de son travail au directeur de l'Institut du patrimoine de la francophonie de l'Ouest canadien, Claude Couture, le 29 janvier dernier. « Nous cherchions un endroit où ces archives pouvaient facilement être accessibles à ceux qui voudraient les consulter. L'Institut du patrimoine, qui se trouve au Pavillon Lacerte du Campus Saint-Jean, répondait le mieux à ces critères. Il se trouve en plein cœur du Quartier francophone, et les personnes intéressées pourront se présenter pour visionner ces archives congolaises qui seront sur un ordinateur mis à leur disposition », note M. Mulatris.
Parmi les personnes qui ont accepté de participer au projet, on note des noms qui sont connus de la communauté franco-albertaine. tels que Yashima Tshité, qui a été président de l'AJFAS (Alliance jeunesse-famille de l'Alberta Society) pendant de nombreuses années, le journaliste à Radio-Canada Jean-Marie Yambayamba et son épouse, ou encore à Rita Tshibula. « Ces gens ont eu un parcours disparate. Certains sont venus directement au Canada, d'autres ont été chassés de leur pays ou sont passés par des camps de réfugiés et certains ont vécu dans divers pays avant de s'établir ici à Edmonton », présente Paulin Mulatris.
Les objets que ces personnes ont présentés sont tout aussi variés. « On retrouve un tambour congolais et une bible. Une personne a amené la paire de chaussures qu'il avait à son arrivée au Canada pour démontrer qu'il avait traversé le continent. Un individu a présenté son diplôme, qui est un symbole de frustration pour ce docteur dans son pays d'origine qui n'a jamais été en mesure de pratiquer son métier ici », énumère M. Mulatris.
Que retient le professeur des entrevues numérisées? « Le parcours de chacun a été fascinant, et ce, pour diverses raisons. Pour certains, s'établir à Edmonton est la chose qui leur est arrivée de mieux dans la vie. Pour d'autres, on ressent la frustration d'un échec de leur parcours professionnel. Toutefois, tous s'entendent pour dire que ces sacrifices personnels étaient nécessaires afin de donner un avenir meilleur à leurs enfants », conclut Paulin Mulatris.