Nous sommes nombreux à suivre avec tristesse et émotion les nombreuses manifestations qui se déroulent à travers les Etats-Unis, suite à la mort de George Floyd aux mains de la police de Minneapolis. Nous sommes aussi profondément affectés par les agissements des forces de police. La mort de George Floyd est la plus récente d'un nombre grandissant de violences raciales à travers le pays, résultant de fractures profondes au sein de la société américaine elle-même gangrenée par une culture systémique de racisme et de préjugés. La population noire américaine est d'autant plus oppressée qu'elle est sur-représentée au sein de la population carcérale aux Etats-Unis. Les Noirs américains sont disproportionnellement affectés par la COVID-19 et ce sont aussi eux qui souffrent le plus des conséquences économiques et sociales de la pandémie. Les images de manifestants battus et gazés, relayées par certains médias eux-même cibles d'attaques, ou encore les appels à des interventions musclées des forces de l'ordre ainsi qu'à une militarisation renforcée des mesures de contrôle de la société américaine, par d'autres médias partisans, approfondissant le clivage de la société, resteront gravées dans nos esprits. Le profond sentiment d'injustice que beaucoup d'entre nous ressentent face à ces images n'est égalée que par la volonté d'agir, et de lutter contre les fléaux de l'intolérance, non seulement en déclarations, mais aussi en actions afin de contribuer à une société plus juste.
En effet, si ces violences se déroulent de l'autre côté de la frontière, nous ne pouvons pas ignorer que de telles fractures existent également dans notre pays et dans notre province. Ces fractures, peut-être moins visibles pour la majorité, sont tout aussi insidieuses et profondes. Les injustices systémiques subies par les communautés autochtones durant des siècles n'en sont qu'un exemple et nous avons un devoir, non seulement de mettre en oeuvre les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation, mais aussi de conserver, au minimum, la mémoire des femmes et jeunes filles autochtones disparues et assassinées et dont le sort tragique a été trop longtemps ignoré. Si l'on ajoute les attaques islamophobes, racistes, homophobes ou misogynes récentes, nous réalisons que notre société est tout aussi fracturée, tout aussi malade. Tout comme aux États-Unis, les populations autochtones et noires sont surreprésentées dans les prisons fédérales. La population autochtones ne représente que 5% de la population canadienne, mais 30% de la population carcérale chez les hommes et 42% chez les femmes. La population noire ne représente que 3.5% de la population canadienne, mais 7.3% de la population carcérale.
Nous avons à l'égard de cette situation un devoir de mémoire. Ce devoir de mémoire implique un engagement de notre part, au Campus Saint-Jean, de marquer comme nous l'avons fait, mais de manière encore plus profonde, le mois de l'histoire des Noirs ou les temps forts de la culture autochtone dont le Campus Saint-Jean occupe une partie des terres ancestrales. Cela suppose que, dans le processus de réforme de nos programmes nous fassions en sorte que les principes d'équité, de diversité et d'inclusion les infusent et que nous ne nous contentions pas de mesures symboliques, celles qui nous permettraient de dire que nous avons coché la bonne case et de passer à autre chose.
Nous devons nous rappeler que la devise du Campus Saint-Jean est Unité - Diversité - Université. Notre Campus se démarque par la richesses de sa diversité dynamique et active. Rien qu'à l'entrée du Pavillon McMahon, les drapeaux représentant les diverses nationalités des étudiants du Campus accueillent les visiteurs. Plus de 20 pays sont représentés parmis les étudiants, et près de 30 parmis les membres du personnel. Nous sommes fiers de cette diversité des origines, et essayons d'être un bastion de tolérance et de célébration des autres diversités: de genre, de cultures, de langues (même si nous encourageons l'utilisation du français comme langue unifiante), d'âge ou encore d'aptitude.
Mais cela est loin d'être assez. Renforcer la diversité et l'équité, travailler à la construction d'une communauté plus inclusive, tout cela fait partie de notre mission et nous devons aller plus loin. Agir afin de faire une différence signifie se placer dans une situation de changement, et ceci pourrait nous mettre mal à l'aise alors que nous faisons face aux injustices, aux inégalités, aux exclusions sur lesquelles nous avons trop longtemps fermé les yeux. Les événements aux États-Unis auxquels nous assistons fascinés ou inquiets sont un rappel à l'ordre que le moment est venu de sortir de notre zone de confort et de nous regarder en face, de reconnaître nos manquements, nos lacunes, nos insuffisances, nos erreurs d'aujourd'hui et d'hier. Le moment est venu de remiser au dépotoir notre peur de l'autre, d'embrasser la différence, de l'honorer, de la célébrer. Ce n'est qu'en brisant ces tabous que nous pourrons commencer à cicatriser nos plaies. Ce n'est qu'en confrontant ouvertement le racisme, l'indigénophobie, la xénophobie, l'homophobie, l'islamophobie, la misogynie, et les nombreux autres préjugés qui nous habitent et existent au sein de nos communautés, que nous pouvons commencer à faire de véritables progrès et à regarder l'avenir ensemble, sans fractures, sans méfiance.
Au sein de notre Campus, notre volonté est de multiplier les actions concrètes. Insuffler impérativement dans nos programmes un esprit d'équité, de diversité et d'inclusion en est l'aspect le plus important. Revoir toutes nos procédures de fonctionnement administratif, notamment lors des processus de sélection du personnel enseignant et administratif, afin d'y mettre en pratique la politique EDI de l'Université de l'Alberta en est une autre. Surtout, nous sommes fiers, au Campus Saint-Jean, que le vice-doyen principal, Paulin Mulatris et la vice-doyenne Arts et Sciences, Donia Mounsef aient fait partie du comité qui a mis sur pied la stratégie de l'université en matière d'équité, de diversité et d'inclusion et nous ferons en sorte que nos pratiques reflètent et poursuivent cet engagement.
Au cours des deux dernières années, le Campus, sous l'autorité de Paulin Mulatris, a coordonné un projet de lutte contre l'homophobie au sein des communautés francophones, en particulier parmi les jeunes. Les résultats furent très positifs. Par l'entremise de la Chaire de recherche du Canada en Relations Métis, Pédagogie de la Terre et Bien-être dont la titulaire est Cindy Gaudet; par l'entremise de la Chaire UNESCO en Migration et francophonie en contexte minoritaire : bâtir localement et globalement des sociétés inclusives, innovantes et résilientes dont le détenteur est Paulin Mulatris; par l'entremise du travail des groupes de recherche du Campus Saint-Jean dont le GRAAL (Groupe de recherche sur les Afriques et l'Amérique latine) et le GRIF-SF (Groupe de recherche interdisciplinaire sur la santé des francophones); nous multiplierons nos initiatives et y engageront de talentueux étudiants. Au sein de la communauté francophone, nous pousserons notre rôle de carrefour, de forum de dialogue, afin de briser les tabous et élaguer des voies constructives pour l'avenir d'une société inclusive. Et nous nous tiendrons aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui lutteront contre l'intolérance, le racisme, les iniquités et l'inégalité.
Nous ne pouvons rester immobiles face à l'injustice et les préjugés dont nous sommes témoins. Je prends donc l'engagement, au nom du Campus Saint-Jean, de passer à l'action. J'exprime toute ma solidarité et tout mon soutien aux peuples démunis, aux victimes de violences et d'injustice et à tous ceux qui, au Canada, aux États-Unis et de par le monde se lèvent pour que triomphe la liberté, la justice et l'unité.