Depuis le 1er juillet 2016, Lucille Mandin, qui œuvre depuis 1985 à la formation des enseignants en immersion et en éducation francophone en milieu minoritaire, a officiellement pris sa retraite. De retour d'un projet humanitaire au Togo, celle qui était jusqu'à la fin juin professeure en éducation au Campus Saint-Jean (CSJ) partage ses expériences de vie et les raisons qui l'ont poussée à faire voyager ses étudiants, que ce soit sur les bancs d'école ou au sein des cultures Européenne et Africaine.
« Pour moi, l'éducation, c'est ce qu'il y a de plus fondamental dans l'expérience humaine. La langue, c'est ce qui donne à l'individu le pouvoir de devenir tout ce qu'il peut devenir », prône la principale intéressée.
Ayant elle-même étudié à Saint-Jean, Lucille Mandin est mieux placée que quiconque pour comprendre les enjeux linguistiques entourant les francophones de l'Alberta. Cette Franco-Albertaine de souche affirme se sentir privilégiée de pouvoir maintenir un certain niveau de maîtrise de la langue et de bilinguisme dans la province. « J'ai été scolarisée avec seulement une heure de français par jour, alors j'ai été très chanceuse d'avoir des parents qui valorisaient la langue française », explique Mme Mandin.
Une carrière admirable
Pour cette professeure aguerrie, le fait d'accompagner des étudiants à devenir enseignants a toujours représenté un grand privilège. « Enseigner, c'est une noble profession qui nous permet de toucher à la vie de tant de gens et d'influencer le monde », estime Mme Mandin.
Cette dernière avoue avoir aussi apprécié de pouvoir accompagner plusieurs étudiants à la maîtrise. « Encore une fois, j'ai eu une occasion de pousser plus loin toutes les idéologies, les façons de faire, les croyances, et ce, dans des études plus avancées. J'ai travaillé avec des francophones en immersion, avec des étudiants internationaux… Quelle belle expérience », ajoute-t-elle.
Pendant la majeure partie de sa carrière, Lucille Mandin a travaillé au sein du Campus Saint-Jean. Pendant ces années instructives, la professeure a constaté plusieurs avantages à enseigner à des groupes peu nombreux, entre les murs d'un petit établissement, surtout dans un contexte où le français est la langue de la minorité. « Des petites classes, ça crée des cultures. Ça permet aux étudiants de tisser des liens, et nous avons la chance de vivre des expériences pédagogiques qui seraient impossibles avec des grands groupes », affirme-t-elle.
D'ailleurs, l'une de ses premières expériences à l'échelle mondiale a été de diriger un projet d'échange international entre le Canada et l'Europe, soit à Toulouse, à Madrid et à Coimbra. « J'ai eu la chance de travailler de très près avec ces universités-là, d'aller voir leurs contextes académiques et bien sûr, de travailler avec les Européens ici. Ça a vraiment été le début d'un très beau parcours international », juge la professeure.
En apprendre plus avec moins
Éprise de la piqure exploratrice, Lucille Mandin a ensuite pris part à plusieurs projets de stages d'enseignement pratiques internationaux en Afrique. Au Kenya, ses étudiants ont pu approfondir leurs connaissances auprès des Maassaïs, « une culture absolument époustouflante qui nous permettait de vivre avec eux et de rencontrer leurs pratiques culturelles ». Les étudiants ont dû apprendre à enseigner dans un contexte différent, avec très peu de ressources. « En classe, il y avait une craie, mais pas d'efface. C'est l'élève le plus grand qui se levait pour aller effacer avec sa manche », explique Mme Mandin, qui estime que cette expérience a permis à ses étudiants d'apprendre à se débrouiller et à se démarquer.
Mme Mandin vient tout juste de revenir d'un périple au Togo, un pays d'Afrique de l'Ouest, là où elle a emmené des étudiants du CSJ construire une nouvelle école dans le cadre du Projet Afrique. Choisi parce qu'il a le français comme langue officielle, le Togo a été, en 2016, le septième que Mme Mandin visitait dans un cadre pédagogique.
Pour la première fois cette année, le programme était ouvert à tous les étudiants du CSJ, afin de pourvoir à un maximum de besoins. L'enseignante dit avoir été touchée par l'engagement des jeunes à la construction de cette école. « Quel sentiment de contribution, à la sueur de leur front, dans la fondation d'un établissement qui servira à l'éducation des jeunes, ce n'est pas banal », clame Mme Mandin.
La Francophonie au cœur des découvertes
Travailler en atelier d'écriture a été l'un des projets les plus marquants pour Mme Mandin. Dans une perspective de développement de la langue des élèves francophones et francophiles, celle-ci a aidé des élèves à peaufiner et à partager des textes dont ils étaient fiers. « J'ai eu droit à des textes incroyables… J'ai vraiment vu qui étaient nos étudiants », note la professeure.
En trois mots, Lucille Mandin décrit ses expériences comme étant édifiantes, épanouissantes, et elle fait également mention du terme « émancipation », pour elle-même, mais aussi pour ses étudiants. « S'émanciper, pour moi, ça veut dire de se prendre en mains. Ce que j'ai eu la chance de faire, c'est d'influencer des gens à se prendre en mains », déclare-t-elle.
L'imminence de la retraite de Lucille Mandin se fait sentir. Après plus de 30 ans de contribution à la promotion du bilinguisme au sein d'institutions albertaines, celle-ci peut être fière de toute la culture qu'elle a réussi à inculquer à ses étudiants.