D'entrée de jeu, les professeurs ont présenté des données liées à la question du bilinguisme au Canada. « Le français est la langue maternelle d'un Canadien sur cinq et en Alberta, plus de 81 000 Albertains ont dit avoir le français comme première langue lors du Recensement de 2011 », rappelle Martine Cavanagh.
« La population francophone de l'Alberta a augmenté plus rapidement que toute la population de langue française au Canada alors qu'entre 2006 et 2011, la croissance a été de 18 % », ajoute Laurent Cammarata.
Ceci a évidemment eu un impact direct sur les programmes d'immersion française et les écoles francophones en Alberta. Au niveau de l'immersion, des 36 000 élèves inscrits en 2011-2012, ce qui représentait 5,9 % de la population étudiante en Alberta, les nombres ont dépassé les 42 000 ces dernières années ».
Du côté francophone, alors qu'on comptait 34 écoles, représentant 5483 élèves, en 2010, cinq ans plus tard, on en retrouve 39 qui accueillent environ 7000 élèves. « On parle même d'une 40e école qui verra le jour à Edmonton à la rentrée 2016, alors que l'École publique Gabrielle-Roy sera divisée en deux. Au niveau francophone, c'est une croissance de 27 % qui a été observée au cours des cinq dernières années », fait remarquer Martine Cavanagh.
Bien que cette popularité soit évidemment la bienvenue et que ces deux systèmes soient essentiels à la survie de la langue et de la culture française et à la promotion du bilinguisme au Canada, les deux professeurs estiment qu'ils sont complexes à mettre en œuvre et ne parviennent pas toujours à atteindre les résultats escomptés.
Deux problématiques ont été soulevées. La première est que les programmes ont besoin d'être optimisés, car ils « ne donnent pas toujours les résultats anticipés au niveau du rendement des élèves », soulèvent les deux professeurs. « Au niveau des écoles francophones, les élèves sont plus faibles en lecture, en écriture, en mathématiques et en sciences que les élèves anglophones. Les faiblesses en sciences seraient en partie dues à leurs capacités langagières restreintes », soutient Martine Cavanagh.
« Du côté de l'immersion française, bien que les programmes soient plus performants que ceux traditionnels et ceci dans toutes les disciplines, les élèves obtiennent des résultats en deçà des attentes au niveau de la qualité de la production langagière, notamment au niveau de la grammaire, de la syntaxe et du lexique », indique Laurent Cammarata.
Le manque de recension des écrits sur la formation des enseignants est la seconde problématique notée par les professeurs. « C'est un maillon clé! Il y a très peu de travaux de recension des écrits sur la thématique de la formation dans ces deux contextes avant 2004 et il y a aussi une absence de recension des écrits sur cette thématique depuis 2004 », observent-ils.
Pour combler cette lacune, les deux professeurs ont effectué une recension des écrits afin d'examiner comment la thématique de la formation a été traitée par la recherche depuis 2004. L'analyse des documents retenus, qui a été effectuée à l'aide du logiciel NVIVO, a permis d'identifier trois grands thèmes qui représentent trois défis majeurs.
Le premier défi a trait au besoin de redéfinir la mission de l'école francophone et des programmes d'immersion à la lumière des nouvelles réalités sociales. « Autant au niveau de l'immersion que de l'école francophone, on observe des changements importants quant à la composition de la clientèle scolaire; il y a de plus en plus d'élèves provenant de foyers immigrants et d'élèves allophones », affirme Laurent Cammarata. « Pour l'école francophone, il faut également ajouter qu'il y a de plus en plus d'élèves issus de foyers exogames qui ont besoin d'être francisés », enchaîne Martine Cavanagh.
Le second défi est de développer une pédagogie adaptée à ces deux contextes de l'immersion ou de l'école francophone en milieu minoritaire. Le troisième défi est de préparer les futurs enseignants pour qu'ils aient les connaissances et les compétences nécessaires pour répondre aux besoins particuliers des élèves dans ces deux contextes éducatifs.
Les deux professeurs ont terminé leur présentation en soutenant :
- qu'il y a toujours un manque de recherche sur la formation en général (nature et impact, formation initiale, formateurs);
- que l'on pourrait bénéficier d'une plus grande collaboration entre l'immersion et l'école francophone en milieu minoritaire. Par exemple, les travaux en immersion sur l'enseignement du langage dans les matières pourraient être utiles pour l'école francophone et ceux effectués au niveau francophone sur la dimension culturelle pourraient servir aux enseignants en immersion;
- qu'il y a une nécessité à repenser les programmes de formation surtout dans le cadre de la formation initiale.
Consulter leur Rapport soumis au Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).